dimanche 22 mai 2011

Hyères 2011 : La Villa Noailles

La villa Noailles de Robert Mallet-Stevens, architecture inachevée et inaboutie, d'un modernisme (malgré le simulacre des façades unies) plus intériorisé qu'extériorisé (ni pilotis, ni plan ni façades libres) est surtout remarquable par son dialogue (maîtrisé ou non) constant avec le site, la vue, la nature : multiplication des toits terrasses, larges baies vitrées de la piscine, mur d'enceinte percé et cadrage du paysage dans la cour, petit jardin géométrique de Gabriel Guévrékian et jardin suspendu. La nature n'est ni mise à l'écart ni rejetée et pourtant l'Architecture, elle aussi, est bien présente, en blocs. (Et tout nous pousse dans cette architecture à vivre à l'extérieur, la chambre en plein air avec son lit, la chambre d'ami et son auvent, la baie du petit salon escamotable) (comme sur un navire en pleine mer).






La villa est tout aussi intéressante non seulement par ses aménagements intérieurs (plus ou moins visibles, comme le mécanisme des horloges électriques), mais également pour deux de ses pièces, le salon rose et la salle des fleurs.







Salle des Fleurs, composition murale géométrique de Theo van Doesburg (1925)




Theo van Doesburg, figure, théoricien, acteur du mouvement De Stijl, ami et adversaire de Mondrian, nous propose dans cette toute petite pièce une expérience unique et remarquable* :
Entrer dans l'espace de la Peinture. (La peinture telle que la concevait le mouvement De Stijl.)
Car entrer et occuper cette chambre c'est se retrouver entouré de toutes parts de couleurs, primaires (rouge, jaune) et non-couleurs (noir, gris), distribuées en diagonales, qui découpent les murs et le plafond en un mouvement dynamique.
Ces formes triangulaires trapézoïdales s'étendent ainsi sur toutes les surfaces. Et l'expérience est celle d'un volume qui diffuserait dans toute les directions.
Par le jeu des diagonales et des couleurs (donc de la température de la lumière et de ses propriétés réflectives) celui qui entre dans cette pièce est soumis à une modification de son ressenti spatial, temporel et affectif.


*selon les aléas de la rénovation


Le salon rose, à lui seul (comme passage (via, entre autres, l'utilisation par l'architecte de la ligne) de l'espace tridimensionnel à l'espace bidimensionnel), justifierait la présence en ces lieux d'un festival de la mode et de la photographie (si une telle justification était nécessaire).